Dieu grammairien
Monologue mythologique pour un personnage,
un bâton, une rigole, une ligne de boue et rien.
Théâtre de la Bastille, 1991
Avec Philippe Dormoy
Dieu Grammairien joue avec la parole de Jean-Pierre Brisset, chef de gare du siècle dernier,
auteur d’une Grammaire logique qui raconte que l’origine du monde gît à l’intérieur des mots,
et que l’ancêtre de l’homme n’est pas le singe mais la grenouille.
En Pierre Brisée, sorte de petit enfant sauvage, est prisonnier d’un drame d’expression.
Imaginons un homme dont la pomme d’Adam envahirait tout le corps… il se noie dans sa langue.
C’est pourquoi Dieu Grammairien confond acteur et tracteur, homme de chair et corps de terre, père et pierre,
mère et mer, grand-mère et grammaire,voix et voie, os et eaux, langage et bandage,
théâtre et tombeau, Dieu, gramme et rien.
Captation
L’Analogue
Villa Médicis, Rome
Théâtre de la Bastille, 1995
Avec Gabriella Bartolomeï
Une sorte d’Eve future, créature née d’une machine typographique,
vient nous donner à déchiffrer un monde tel qu’il s’est imprimé en elle.
Voix capable de tout imiter, démon d’analogie, elle décrypte des partitions faites de signes cabalistiques,
de mouchoirs de guerre, de légendes (La chèvre de Monsieur Seguin, les Contes d’Hoffman).
Cette voix phénoménale articule, souffle à la manière d’une pythie,
un univers hiéroglyphique que j’ai figuré par un long mur de circuits imprimés (verts).
Éclairés en transparence, ils apparaissent comme les signes
qu’elle imprime en sons. Après l’âge de pierre
(mur des empreintes de terre, pomme d’Adam, os des
ancêtres) nous en sommes à l’âge de fer
(machine typographique, micro, circuits imprimés)
L’Analogue donne en spectacle un corps d’imprimerie.
Juliette Pose 97
Ecole des Beaux Arts de Paris, 1997
Avec Anne de Broca
Echange de lettres entre Juliette Drouet et Victor Hugo, échange secret qui dura cinquante ans,
dont la comédienne Anne de Broca tire un spectacle-rituel
tous les 17 février depuis dix ans.
C’est la nuit du 16 au 17 février que les deux amants se sont connus.
Tous les ans, Anne de Broca demande à un metteur en scène différent
de la mettre en scène dans le dépouillement progressif de cette infatigable correspondance.
Ici, Juliette Drouet est à l’École des Beaux Arts de Paris où elle fut modèle.
Elle pose devant le public et devant quatre vrais étudiants qui la dessinent pendant le temps de la représentation.
Il s’agit de rejouer l’acte d’inscrire, de tracer.
Le papier envahit tout: lettres éparpillées, blocs de croquis des étudiants des Beaux Arts, ailes fait de parchemin,
papier mâché plaqué à même le corps
du modèle-actrice pour renforcer l’idée du fétichisme amoureux.
La tête de Victor ( Victor, que Juliette appelle “Tête à Toto”)
empruntée au Musée Grévin, devient à son tour le fétiche de Juliette, son modèle.
Captation
Par les dents
Une nuit en douze langues
Théâtre de la Bastille, 1998
Une nuit où, ramenée à son lieu d’origine – la table -, la langue est articulée par son auteur.
L’auteur acteur livre son rythme, ses harmonies, diffuse son essence,
donne à entendre ses inflexions,, sa musique, et, par les dents,
la rage de son expression.
Tous auteurs de langue française, ils font sortir la langue hors de ses gonds
(la page), tous auteurs d’une langue vivante,
d’une langue à parler, un “théâtre de bouche”.
Captation
Blanche Neige
Centre Culturel Suisse, Paris, 2001
Tableau vivant blanc sur blanc
d’après Blanche-Neige, un dramelet feérique de Robert Walser
Avec la voix de Pierre Fédida
La reine: Anne Alvaro
Le chasseur: Marc Albert
Blanche Neige: Manuela Morgaine
Image: Sabine Lancelin
Costumes: Anne Brault
double scéno-graphique: Virginie Berry
Production: Envers compagnie, France-Culture, La Muse en Circuit.
Avec la participation de l’Association des personnes de petites tailles
Blanche-Neige. Les frères Grimm l’ont écrit. Et ensuite Robert Walser.
Walt Disney et Joâo Cesar Monteiro l’ont filmé.
Le premier, en dessin animé technicolor, le second, tout en noir.
Ènième version de Blanche-Neige, celle-ci, Blanche Neige sans trait d’union,
choisit le blanc, la surexposition, le feérique, le revenant, l’hiver,
la glace, la neige de flocons et la neige de pétales, les figures sorties d’un
cercueil de verre et les mots tournés en boîtes à musiques.
Pas vraiment un spectacle ni une chorégraphie ou performance,
ni tout à fait un concert, ni un théâtre d’ombres, mais un tableau vivant,
radio-phonique, ce qu’en 1900, au temps de Walser, d’Isadora Duncan,
de Mallarmé et de Maeterlinck, on appelait un “drame statique”.
Ici les voix jouent le geste archaïque et répétitif du lent poème méconnu
de Robert Walser L’espace sonore rêve de dessiner,
avec ses pics de fréquences, le paysage dentelé des Alpes.
Et cherche, au coeur de la modernité, là où sont passées les neiges d’antan.
La nuit de noël 1956, Robert Walser tombe mort dans la neige.
Il est habillé d’un costume noir. Son chapeau est posé à côté de lui.
En 2000, Joâo Cesar Monteiro filme Branca de Neve dans le jardin botanique de Lisbonne,
en plaçant sa veste noire sur l’objectif de la caméra,
tout du long du tournage: la voix in (disant le texte de Walser en portugais)
et l’ image off donnant à voir durant presque tout le film, un écran noir.
Comme pour re-cueillir le point de vue du mort.
Expériences mineures, intérieures, comme gants retournés sur des
lignes de mains si particulières, qu’elles saluent avec fantaisie,
velours, feutre, silence, obscurité, un monde d’apparences trop lyriques.
C’est en hommage à l’homme écrivain Walser, et à la doublure noire de l’écran
de Monteïro, que cet objet d’un soir, fantôme, dépose le linceul de ses légendes.
Un linceul ouaté, blanc, neige.
Captation
Version radiophonique – France Culture – 2001
Article paru dans la revue GRAPE, revue de l’enfance et de l’adolescence, 2002.